La richesse des traditions orales : une mémoire vivante
Bien avant d’être couchées sur le papier, les musiques traditionnelles vivaient à travers les récits de ceux qui les interprétaient. La tradition orale, pour transmettre des chants, des airs d’instruments ou des rythmes de danse, était le pilier principal des sociétés rurales.
La transmission familiale et communautaire
Durant des siècles, les villages de l’Auvergne, du Limousin ou encore de la Bretagne servaient de véritables conservatoires vivants. Les airs se transmettaient de génération en génération, souvent lors d’occasions festives comme les mariages, les veillées ou les moissons.
Les chansons, souvent à plusieurs voix, étaient de véritables archives humaines, racontant tour à tour l’amour, le labeur ou les luttes sociales. Par exemple, en Auvergne, les bourrées accompagnées de la cabrette (cornemuse) mobilisaient des mélodies qui variaient légèrement selon les vallées, marquant la diversité des couleurs sonores même à petite échelle.
Ces chants et danses constituaient aussi un code partagé : ils étaient utilisés pour marquer le temps des métiers agricoles, pour honorer les cycles naturels ou encore pour rassembler les communautés autour de rituels sociaux.
Les "porteurs de mémoire"
Au sein de ces sociétés rurales, certaines figures jouaient un rôle particulier dans la transmission orale. Les "porteurs de mémoire" (les conteurs, musiciens ou chanteurs itinerants) étaient considérés comme les garants d’un patrimoine immatériel. Ils apprenaient une multitude de ballades, parfois colportées sur plusieurs centaines de kilomètres.
Un exemple emblématique est celui des chanteurs bretons de gwerz (chansons narratives) qui transmettaient des récits épiques de la Bretagne médiévale. Dans cette transmission orale, chaque interprète ajoutait sa propre "patte", modifiant subtilement paroles ou mélodies, ce qui a contribué à la diversité de ces répertoires.
L’importance des traditions orales enregistrées
Au XIXe siècle, l’intérêt pour le folklore a connu un véritable essor. Les collectes de traditions orales réalisées par des folkloristes et des ethnographes, comme celles de Joseph Canteloube en Auvergne, ont permis de préserver de nombreux chants et musiques qui auraient sinon disparus. Canteloube a notamment collecté et réarrangé les célèbres "Chants d’Auvergne", qui témoignent d’une culture musicale riche et ancrée dans son environnement montagnard.
Certaines régions de France ont bénéficié d’un travail similaire : Béarn, Provence, Lorraine ou encore Alsace. Ces collectes ont formé le socle d’un patrimoine sonore encore aujourd’hui étudié et joué.