Une mémoire en mouvement : la portée du répertoire oral
L’un des héritages les plus cruciaux des musiciens itinérants réside dans leur rôle dans la transmission orale. Avant le XIXe siècle, peu de partitions ou recueils écrits existaient dans les sociétés rurales. La musique populaire se transmettait par imitation, en direct, et les musiciens itinérants servaient d’intermédiaires essentiels à ce processus.
Le caractère particulier de l'oralité
La transmission orale avait ceci de unique : elle rendait la musique vivante, évolutive. Contrairement aux œuvres codifiées de la musique classique, les mélodies populaires changeaient au gré des interprétations. Le musicien, parfois contraint d’adapter une chanson à une langue, un contexte ou un goût local, devenait un véritable créateur. Par exemple, un air d’accordéon appris dans le Massif central pouvait voguer jusqu’à l’Alsace et en revenir avec des ornements d’une tout autre couleur.
Exemple : les violoneux itinérants en Auvergne
En Auvergne, une figure emblématique illustre cette tradition : celle des violoneux itinérants, souvent issus de milieux précaires. Ces musiciens, armés de leur violon et d’un petit baluchon, parcouraient les routes pour jouer lors des noces, bals ou foires. Ils partageaient non seulement des airs de bourrée, mais s’imprégnaient des influences des régions traversées, enrichissant ainsi leur répertoire.
Le collectage réalisé dans la première moitié du XXe siècle par des ethnomusicologues comme Jean Darnal témoigne de cette diversité. Il révèle également à quel point ces familles de musiciens itinérants étaient vues comme des ponts entre des terroirs parfois isolés.