Le pari du récit : entre texte classique et inventivité musicale
L’album « Dom Juan » se déploie suivant une structure narrative proche du conte ou du théâtre, en alternant morceaux instrumentaux, chants et passages déclamés empruntés à Molière. Chaque piste est comme un tableau sonore, tantôt festif, tantôt mélancolique. On y trouve :
- Des arrangements pour vielle à roue, cornemuse et percussions, évoquant les veillées paysannes et transhumances.
- Des chansons originales inspirées à la fois par le répertoire d’Auvergne (brayauds, bourrées, complaintes) et la poésie baroque.
- Des textes parlés mêlant extraits de la pièce et improvisations, qui donnent à entendre la figure de Dom Juan, entre séduction, cynisme et déroute.
Là où certains projets inspirés du théâtre tombent dans l’illustration, Alamanon joue la polyphonie des sens, des sonorités : on entend le souffle rauque de la cornemuse, les harmoniques métalliques de la vielle, les pulsations de la guitare, le tout tissé par une voix habitée, multipliant les accents et les jeux de rôle. D’après Trad Magazine (n°192, mars/avril 2022), la formation « réussit le pari d’un Dom Juan rural et charnel, ancré dans la poussière des chemins et l’inquiétude contemporaine ».
Un choix artistique audacieux : Dom Juan, héros ou anti-héros paysan ?
Pourquoi « Dom Juan » en 2021, en Auvergne ? C’est peut-être que la figure du séducteur, du révolté contre l’ordre établi, demeure porteuse d’interrogations aujourd’hui. Le groupe a choisi de déplacer le cadre du mythe : Dom Juan n’est plus ce noble distant, mais un homme du peuple, défiant l’autorité morale et sociale, dans un monde où la ruralité, elle aussi, cherche sa place.
On y lit un plaidoyer pour la liberté, pour la contestation joyeuse, mais aussi une réflexion sur la solitude, l’errance — et sur la fin des illusions. Ce n’est pas un hasard si le disque se termine par une mélodie âpre et silencieuse, comme si, après l’ivresse de la fête, ne restait qu’un écho, une question suspendue.