Les racines de la collecte musicale : un combat contre l’oubli
À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, une prise de conscience majeure a émergé en Europe : face à l'urbanisation galopante et à l'industrialisation, les cultures rurales viraient peu à peu à l’extinction. Dans une société où les coutumes se transmettaient essentiellement de bouche à oreille, l'évolution des modes de vie jetait une ombre menaçante sur ces voix invisibles.
C'est dans ce contexte que des pionniers tels que Francis James Child, en Angleterre, et maître Béla Bartók, en Hongrie, ont initié une véritable révolution culturelle. Ces artistes et chercheurs ont arpenté les villages les plus retirés, en quête des ballades, des chants a cappella ou des danses instrumentales, qu’ils consignaient précieusement. Leur mission était titanesque ; armés de carnets, parfois d’enregistreurs rudimentaires, ils parcouraient des kilomètres pour enregistrer ces trésors sonores avant qu’ils ne disparaissent.
En France, la quête démarra véritablement avec le travail d’Amboise Thomas et de l’érudit Théodore Hersart de La Villemarqué. Leur recueil Barzaz Breiz (1839), compilant des chants bretons, est souvent cité comme l’une des premières tentatives organisées de sauvegarde musicale régionale. Pourtant, controversé à l’époque – certains lui reprochaient d’avoir embelli ou réécrit certains textes–, il a ouvert la voie à toute une génération de collecteurs.