Au rythme des ruelles : la musique de rue, âme vivante des fêtes à Clermont-Ferrand

13 septembre 2025

Les origines de la musique de rue à Clermont-Ferrand : une mémoire vivante

La tradition musicale de rue puise à la fois dans un héritage rural et dans une identité urbaine forgée au fil des siècles. Historiquement, les musiciens ambulants animaient les foires et marchés déjà au XVI siècle, mêlant à leur répertoire des bourrées, des airs occitans et les chansons populaires de ville. La vielle à roue et l’accordéon, instruments emblématiques du Massif central (voir France 3 Régions), se retrouvent alors au cœur des rassemblements, véhicules de mémoire autant que d’émotion collective.

  • Le marché Saint-Pierre, véritable puits sonore, a accueilli dès le XIX des joueurs de cornemuse et des chanteurs itinérants venus du Livradois, du Limousin ou de Provence.
  • Au début du XX siècle, la ville comptait plus de 120 bals populaires annuels, la plupart accompagnés par des musiciens non affiliés à des orchestres (source : L’Histoire de Clermont-Ferrand, J. F. Soulet).

Cette tradition de musique partagée dans l’espace public n’a cessé de se renouveler, se nourrissant des vagues migratoires, de l’arrivée de communautés portugaises, maghrébines ou italiennes, sans jamais perdre de vue ses propres racines volcanique.

Fêtes urbaines et musiques de rue : l’alchimie sonore des grands rassemblements

À Clermont-Ferrand, les festivités sont nombreuses et variées, et rares sont celles qui ne font pas appel aux sons de la rue. Du carnaval au festival Europavox, en passant par la Fête de la Musique, la musique s’invite, se mêle aux foules, explose sur les places. Elle rythme, accompagne, catalyse.

L’exemple de la Fête de la Musique

  • Chaque 21 juin, ce sont près de 15 scènes officielles qui éclosent à Clermont, auxquelles s’ajoutent des dizaines d’initiatives citoyennes, bars et terrasses ouverts aux formations locales (source : Mairie de Clermont-Ferrand).
  • La ville attire alors environ 30 000 visiteurs sur une seule soirée (donnée fournie par la municipalité, édition 2023), générant un mouvement inédit dans les rues et sur les axes piétonniers.
  • La diversité règne : du quartet de jazz manouche sur la place de Jaude à la fanfare afro-brésilienne remontant la rue du Port, tout le spectre musical s’y donne rendez-vous.

Un rôle de transmission

  • Les musiques de rue sont souvent l’unique contact direct avec les répertoires traditionnels pour de nombreux habitants ou touristes, bien plus que dans les salles de spectacles.
  • Le carnaval de Clermont-Ferrand (créé en 1983 sous sa forme moderne) voit chaque année plus de 20 groupes de musiciens tourner dans les rues, d’après l’office du tourisme.

Entre patrimoine et innovation : la rue comme laboratoire musical

Si la musique de rue a longtemps servi de lien entre passé et présent, c’est aussi parce qu’elle se nourrit des dynamiques contemporaines. Clermont-Ferrand accueille chaque année des festivals où les musiques du monde fusionnent avec les traditions locales.

  • Le Festival des Musiques Traditionnelles, organisé par le Centre régional des musiques traditionnelles en Auvergne (CRMT), propose depuis plus de 25 ans des rencontres inédites dans l’espace public : en 2022, plus de 4 300 personnes ont assisté aux concerts gratuits, dont une majorité sur la place du 1er-Mai et le parvis de la Cathédrale (CRMTL).
  • Le festival Europavox élargit chaque année la fenêtre sonore, avec une dizaine de concerts gratuits en centre-ville, où se croisent musiciens auvergnats et artistes internationaux.

À l’image d’un atelier ouvert, la musique de rue à Clermont-Ferrand permet l’expérimentation : on y entend aussi bien des bourrées revisitées à la guitare électrique que des mariages entre rap et fanfare. Cet éclectisme encourage une dynamique d’inclusion, de dialogue et de créativité.

Portraits sonores : visages et voix de la rue clermontoise

Au fil des saisons, la ville devient la scène de musiciens dont la présence façonne l’imaginaire collectif.

  • Les Frères Locomotive, célèbre fanfare locale, arpentent le marché Saint-Pierre avec leurs cuivres éclectiques, mêlant musiques balkaniques et répertoire auvergnat. Leur présence lors du carnaval est devenue une tradition depuis une quinzaine d’années.
  • Le collectif La Chamade propose des bals-trad sur la place Sugny, invitant les passants à danser la bourrée trois temps, emblème du Massif central.
  • Des musiciens solitaires, tel Yannick le joueur de vielle, installé à l’angle de la rue Ballainvilliers, ponctuent les samedis de notes anciennes comme un écho venu du fond des âges.

Leur rôle ne se limite pas à l’animation. Ils deviennent vecteurs de mémoire : combien d’enfants découvrent chaque année la cornemuse ou la cabrette pour la première fois dans la rue ? Combien de Clermontois retrouvent, grâce à eux, un fragment de leur histoire familiale ?

Fonctions sociales et symboliques : la musique de rue, ciment du vivre-ensemble

Bien plus qu’une simple distraction, la musique de rue possède une valeur sociale et émotionnelle profonde. Elle soude la communauté, questionne l’identité et favorise l’inclusion.

  • Créer du lien : lors des manifestations comme « Le Grand Déballage » ou la fête patronale, la musique fédère habitants de tous âges et milieux sociaux. Plus de 70 % des Clermontois affirment avoir participé à un événement musical gratuit en centre-ville au moins une fois dans l’année (enquête Ville de Clermont/2022).
  • Favoriser la transmission : de nombreux groupes proposent des initiations à la danse ou aux percussions, transformant la rue en une agora éducative à ciel ouvert.
  • Dynamiser le centre-ville : selon la CCI du Puy-de-Dôme, les grands événements musicaux entraînent une augmentation de 12 à 16 % de la fréquentation commerçante sur les week-ends concernés.

La musique de rue joue aussi un rôle symbolique : dans une époque parfois marquée par la fragmentation sociale, elle favorise l’interaction spontanée, lutte contre l’isolement, invite à la découverte.

Enjeux et défis : préserver la spontanéité sans renoncer à la qualité

Loin d’être figée, la tradition de la musique de rue à Clermont-Ferrand fait face à des défis nouveaux.

  • Gestion de l’espace sonore : la réglementation municipale impose depuis 2017 des horaires précis pour les musiciens de rue (9h-21h) et des niveaux sonores limités. Si cette mesure vise à concilier vie urbaine et animation, elle invite aussi à repenser la place des artistes.
  • Diversité des expressions : l’ouverture à des styles contemporains parfois jugés « hors tradition » pose la question de l’équilibre entre préservation et innovation.
  • Reconnaissance des artistes : selon le Syndicat Français des Artistes-Interprètes (SFA), seuls 13 % des musiciens de rue clermontois disposent d’un statut professionnel ou associatif, la majorité pratiquant en amateur ou semi-pro.

La ville s’engage cependant à favoriser ces pratiques : création d’espaces dédiés, soutien à la formation et à la réservation de créneaux horaires pour des groupes inédits figurent parmi les pistes envisagées (source : Conseil Municipal, 2023).

Panorama sonore d’un centre-ville en fête : perspectives d’avenir

Dans les artères animées de Clermont-Ferrand, les musiques de rue ne cessent d’évoluer. Leur faculté à mêler le sacré et le profane, la joie populaire et la virtuosité, fait d’elles une part essentielle du patrimoine vivant. La ville profite ici d’un formidable laboratoire, ouvert sur le monde mais viscéralement attaché à ses particularismes.

L’avenir s’annonce foisonnant : l’usage des réseaux sociaux permet à de jeunes musiciens de gagner en visibilité, tandis que les collaborations avec les écoles de musique et les associations dynamisent la scène locale. Initiatives de co-création, créations sonores participatives, nouveaux parcours musicaux connectés… autant de chantiers où la rue continuera de vibrer, fidèle à son histoire et ouverte à tous les possibles.

Au détour d’une place, sous la voûte d’un porche, ou lors d’une fête spontanée, il n’est pas rare de voir la musique tisser des liens fugaces et durables. À Clermont-Ferrand, elle n’est jamais un simple décor : elle est l’écho vivant d’un territoire en mouvement, un souffle dont chaque fête, chaque danse, chaque note trace le chemin.

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